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Joseph & Vincent Maestre

Joseph & Vincent Maestre

LES FRÈRES MAESTRE

Enfant Joseph et Vincent Maestre habitaient rue des Fâcheries à Verdun-sur-Garonne. Vincent est toujours sur la commune tandis que Joseph vit près de Toulon, tout en gardant un oeil sur le village de son enfance.

Cette année du cinquantenaire du premier pas sur la lune, nous avons tout d’abord évoqué, lors de notre entrevue du 19 juin 2019, ce moment historique avec Joseph Maestre, 88 ans, qui a fait le tour du monde (3 fois !).

« Nous irons sur Mars... Ce sera passionnant pour ceux qui pourront le vivre. Le premier pas sur la lune, je l’ai vu à la télévision, j’étais en permission. Mais pas mon père. Après avoir été enfermé au camp de concentration de Mauthausen, il ne s’intéressait plus à rien.

J’aurais aimé qu’il s’intéresse à mes voyages... En Australie j’ai touché des kangourous, et quand je suis allé en Nouvelle-Zélande j’avais dit à mon père que j’avais la tête en bas par rapport à lui, mais ce camp l’avait détruit. Si seulement j’avais pu lui transmettre un peu de l’émerveillement que je vivais...

Qu’a représenté ce moment pour vous ?

C’est comme la découverte de l’Amérique en 1492, c’est la découverte de l’Amérique une deuxième fois...
J’étais heureux que ce soient les américains, ils nous ont aidés à gagner la guerre...

L’Amérique c’est fabuleux. New York m’a époustouflé, je suis monté en haut de l’Empire State Building d’où l’on voit les gens de taille minuscule, tout y était incroyable !
Je n’avais rien vu à l’époque. J’ai été gâté, j’ai eu une vie riche. Je crois que je suis une bête rare. (rires)

Quel est votre parcours ?

J’étais dans la Marine Nationale, à 18 ans. Je suis rentré à Mimizan puis à l’école de Toulon. Ensuite j’ai embarqué sur le croiseur Emile Bertin pour l’Algérie, la Tunisie le Maroc, Malte, l’Italie. Vous voyez quelques croisières (rires), puis l’Indochine (quitté après les événements de Diên Biên Phu), et ensuite le Japon.

Après un retour à Toulon, je suis reparti en Amérique. Aux Antilles d’abord, puis à une grande cérémonie officielle à Norfolk. Le petit verdunois sauvage et pratiquement inculte que j’étais, a trouvé New York grandiose. Nous y avons fait une grande revue navale. Il y faisait d’ailleurs une chaleur d’enfer, c’était en 1954.

De retour en France, j’ai fait mes cours, je suis monté en grade. Puis je suis devenu instructeur.
J’ai eu pour terminer, l’honneur d’être décoré Chevalier de l’Ordre national du Mérite. J’en suis particulièrement fier, fier pour mon père, car il était d’origine espagnole. Il s’est battu pour la France, et il n’y a pas eu tant d’Espagnols que cela qui se sont battus pour elle. Il a été emprisonné au camp de Mauthausen. Je suis allé visiter ce camp parce que la Marine m’a fait faire le trajet de la Mer Noire jusqu’à Minsk sur le Danube. Moi qui avait une vie toute simple, je n’ai pas été indifférent à tout ce que j’ai pu découvrir.

J’ai pu même aller sur l’île de Robinson Crusoë, celle qui a inspiré l’histoire de Daniel Defoe. Avant elle s’appelait Más a Tierra ou Más Atierra, la plus près de la terre. Je suis allé aussi me recueillir sur la tombe de Napoléon, à Sainte-Hélène, où elle est toujours gardé. Mais nous étions marins alors nous avons pu y avoir accès.

Je suis allé en Chine, j’ai fait le tour du monde, finalement... Je suis revenu à la vie civile mais comme je voulais devenir instruc- teur, je suis revenu à la Marine. Cela a duré 13 années... après avoir passé déjà 27 ans à naviguer.

J’ai eu une vie très riche, où j’ai vu des choses et des villes fabuleuses.

Qu’avez-vous fait après ces 40 ans sous les drapeaux ?

Après cette carrière militaire, j’ai passé mon temps à lire. Tout Balzac, Zola et Maupassant, Les Thibault de Roger Martin du Gard...les grands classiques.

Aujourd’hui j’habite un petit village, La Garde, où les marins se sont groupés, mais il n’y sont plus nombreux maintenant. Je fais partie des officiers mariniers de ce village près de Toulon, j’y connais tout le monde. J’ai fini ma carrière comme Major.

J’ai dû beaucoup travailler pour y arriver. Je suis allé à des cours du soir, pris des cours par correspondance. Et un camarade très instruit m’a aussi beaucoup aidé. J’ai dû étudier les mathématiques car j’en avais besoin mais dont j’avais horreur ! Aujourd’hui je les ai oubliés (sourire).

Après notre rencontre en juin, Joseph nous a aimablement envoyé un courrier pour évoquer quelques autres moments forts qui lui sont revenus en mémoire :
“J’ai traversé le pont de la rivière Kwaï, il est très long et dangereux. Les traverses du chemin de fer étant ajourées, en cas de faux-pas vous êtes précipité vingt mètres plus bas dans une rivière qui coule avec abondance. J’ai doublé deux fois le Cap Horn, celui qui exalte tant les marins. J’ai eu aussi la chance et l’honneur d’être reçu dans les ambassades. Je me souviens particulièrement du discours de l’ambassadeur de France à Buenos Aires qui dans le discours de bienvenue qu’il nous fit, cita Flaubert. J’aurai aimé parler des Îles Marquises en hommage à Gauguin, des îles Hawaï, de Tahiti, Bora Bora, de Madagascar et de quelques pays africains et de bien d’autres lieux encore mais j’ai peur d’être trop long...”

Malgré un âge certain et une carrière bien remplie, Joseph rayonne de jeunesse et d’émerveillement. Une belle âme comme on dit.

Enfin, dernier point particulier, Joseph Maestre a été présent lors des premiers essais nucléaires français à Mururoa, quand son frère Vincent, aujourd’hui âgé de 91 ans et toujours Verdunois, était également présent aux premiers essais atomiques sur le site de Reggane en Algérie en 1960.

 

Après lecture de cet article dans le magazine municipal de décembre 2019, Liz Owen, membre du Groupe Histoire de Verdun-sur-Garonne, a la délicatesse de nous rappeler un document important paru dans le magazine municipal au printemps 2011. Ce numéro 136 de l'ECHO comportait l'encart n°57 du Groupe Histoire. Joseph y évoquait plus en détail l'histoire de son père et la visite au camp de Mauthausen.

Le Groupe Histoire à eu l'extrême amabilité de nous confier l'extrait : cliquez ici et bonne lecture.

Pour plus d’information :

- Le croiseur Emile Bertin
fr.wikipedia.org/wiki/%C3%- 89mile_Bertin_(croiseur)


- Le Camp de Mauthausen
www.mauthausen-memorial.org fr

- L’île de Robinson Crusoë
fr.wikipedia.org/wiki/%C3%8E- le_Robinson_Crusoe